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Médecine isolée ou médecine confinée ?

photographie nasa
photographie nasa

Le Centre de Simualtion en Santé du Scorff (C3S) forme et réalise des recherches depuis de nombreuses années sur la médecine isolée au sein du Groupe Hospitalier de Bretagne Sud.

Que ce soit pour les navigateurs au large solitaire comme ceux du Vendée Globe, ou pour le projet des premiers vols habités sur Mars, notre équipe, forme et recherche ce qui est facile de déléguer en terme de soins pour des « non soignants ». Nous étudions également quelles organisations et modes de communication sont les plus pertinent pour permettre un maximum d’efficience pour une personne loin d’une structure de soins en cas de besoins médicaux.

Nos réflexions et expériences trouvent un écho particulier dans la médecine confinée qui s’impose à nous en ces temps de pandémies Covid-19.

la formation

La formation à la santé pour la population générale est assez limitée en France en dehors de celle liée aux situations d’urgence.

A ce jour, les formations médicales existantes pour les non-professionnels de santé concernent principalement les gestes de premiers secours, et l’éducation thérapeutique des patients atteints de maladies chroniques (1)(2). Les navigateurs du fait de l’éloignement des côtes bénéficient en sus des notions d’urgence, d’apprentissage à la télémédecine et doivent être en mesure de réaliser des gestes thérapeutiques simples éventuellement sous délégation médicale à distance.

La télémédecine

La communication avec un professionnel de santé est un point essentiel pour transmettre des signes de gravité dans le cadre de la pandémie. La surveillance des patients diagnostiqués Covid passe par cet outil mais aussi des autres pathologies en période de confinement. Le langage médical est assez codifié pour servir un raisonnement clinique. Ce processus de pensée est assez complexe pour proposer au patient à distance la bonne décision par rapport à un problème de santé. Le médecin récolte les informations données par le patient, et essaye de lui faire décrire les signes cliniques. Dans le cadre du Covid se sera par exemple les anomalies respiratoire éventuelles. A distance, cela est plus complexe. De façon intuitive, le médecin synthétise les informations, il construit une hypothèse diagnostique et propose une thérapeutique et une surveillance qui confortera sa décision.

 

Le but pour un médecin à distance est de récupérer un ensemble de signes cliniques, des signes fonctionnels ainsi que l’histoire de la maladie ou du traumatisme, pour échafauder une probabilité diagnostic et proposer alors une série de solutions thérapeutiques.

Assez rarement les gestes proposés sont ceux du secourisme qui peuvent être initiés d’emblée par le patient s’il a été formé. Le plus souvent les solutions font appel à des connaissances médicales où l’expertise de la télémédecine est indispensable. Elle permet aux deux protagonistes médecin et patient d’établir un lien plus riche et plus fonctionnel. En mer, ces outils existent et ont été testés (Photographies 1 et 2), ils sont d’autant plus accessibles sur terre ou les communications 4G sont plus faciles et moins aléatoires.


Avec de tels outils, le médecin se rend mieux compte de l’environnement, il guide le patient sur les gestes à effectuer comme une suture de plaie, une réduction de luxation en pas à pas. Par exemple, il est également possible avec certains outils de télémédecine d’envoyer des instructions qui se superposent dans le champs de vision de l’opérateur, un protocole peut ainsi être suivi. Ces outils plus qu’une simple visioconférence permettent d’avoir les mains libres et la

D’autres expériences sont plus poussées encore, avec un aide virtuelle. Véritable intelligence artificielle, elle anticipe le champ des possibles pour celui qui effectue les soins en attendant une réponse de l’expert médical. La réponse peut mettre un temps long à parvenir depuis mars dans l’exemple de vols spatiaux mais c’est également le cas en cas de rupture de communications en mer mais aussi dans les missions spatiales en raison de la distance de l'émetteur et du récepteur.

 

Aide au bilan

Dans le cadre de la pandémie, les standards de communications simples visuels sont recommandés pour surveiller les patients. Ceux ci peuvent saisir des items avant la consultation de télémédecine (4). Des outils de mesures des paramètres vitaux sont aussi facilement disponibles au cours de cette consultation grâce à des objets connectés qui mesurent le pouls, la fréquence respiratoire, la saturation en oxygène, la température….(5)

Ces nouveaux supports restent ciblés sur les seuls items utiles pour la surveillance du Covid- 19. On s'aperçoit depuis quelques temps que les autres pathologies qui nécessitent tout autant d’avis médical ou de consultations peuvent être négligées (6)(Graphique 1). Le taux de consultation aux urgences où dans les cabinets médicaux à chuté considérablement depuis deux mois, sans pour autant que les maladies autre que Covid ait disparu.

Les outils que nous proposons habituellement aux marins peuvent s’avérer utiles dans ces autres cas pour de l’auto-surveillance ou évaluation. Ils permettent à l’utilisateur de noter les éléments essentiels, pour permettre au médecin de proposer un diagnostic à distance, tout en le mettant en alerte sur les éléments pouvant permettre d’emblée des gestes de secourisme et nécessitant un appel sans retard au centre 15.

Quelques pathologies ciblées, qui n’ont pas forcément des signes vitaux engagés d’emblée, sont rappelées comme les douleurs thoraciques, les maux de tête violents et subis, les douleurs abdominales qui durent plus de six heures. Dans le cadre de ce recueil plusieurs notions qui échappent habituellement au bilan de secourisme classique sont mises en exergue comme la douleur, sa mesure et ses traitements possibles ( Photographie 4).

Ces outils cognitifs sont des petites cartes de bilan, qui sont en cohérence de codes couleurs, ou icônes avec les outils en ligne, et les dotations médicales

 

LA dotation médicale de base

Il est bien expliqué aux marins la limite d’un exercice médical en solitaire tant que des moyens de transmission sont possibles afin de ne pas exercer dans un cadre qui serait d'illégal sauf en cas de force majeure.

Les produits qui sont proposés dans les pharmacie de bord répondent aux besoins les plus fréquents mais aussi ceux d’urgences. L’épidémiologie des pathologies retrouvées dans le grand large aide au choix du listing des produits. Les choix réalisés par les médecins reposent sur la notion de bénéfice et de risque, la première priorité étant de ne pas être délétère.

En général les produits sont répartis en une pharmacie quotidienne contenant les produits d’urgence et courants et une réserve avec les médicaments d’utilisation plus rare ( kit de suture, antibiotiques …). Dans le cadre de médecine confinée, on retrouve quelques besoins qui peuvent être communs ( Photographie 5).

Les produits sont agencés selon des codes couleurs et des icônes , qui servent d’aides cognitives à la fois pour le prescripteur que pour le patient .

Lors du confinement le Conseil de l'Ordre des dentistes a demandé la fermeture des cabinets dentaires, là encore l’expérience de la médecine isolée peut servir de repère. Un kit dentaire d’urgence permet de faire face en attendant le dentiste à une couronne décollée, un amalgame défectueux


Le stress

Enfin les navigateurs solitaires sont habitués à gérer le stress et l’isolement. Ils utilisent souvent des techniques de relaxation, de sophrologie. Ils savent gérer la routine à bord avec application entre les tâches quotidiennes, la gestion des repas, et les temps de repos. L’équilibre alimentaire est essentiel, la pratique d’étirements, de renforcement musculaire limitent les douleurs musculaires mais aussi les pertes pour les zones moins sollicitées comme les membres inférieurs.

Lors du confinement les consultations médicales pour raisons psychiatriques se sont envolées jusqu’à plus de soixante pourcent tous âges confondus rapport aux années précédentes dans les consultation de SOS médecin participant au réseau Sursaud

Conclusion

L’expérience de ce type de formation que nous menons depuis de nombreuses années, nous révèle avec plus d’acuité aujourd’hui, que ce type d’enseignement pourrait être proposé au grand public.

Avant la crise du Covid il était noté que les urgences en France étaient particulièrement embolisées.Des solutions sont recherchées depuis de nombreuses années en vain. Paradoxalement depuis le début de la pandémie l’accueil dans les structures d’urgence a chuté de façon importante.

Il est donc possible que finalement les utilisateurs habituels ont trouvé d’eux même de solution pour résoudre une partie de leur demande médicale habituelle.

Il sera bien sûr aussi nécessaire de rechercher les effets éventuels de prises en charge retardée et le pertes de chance éventuelles constatées .

L’empowerment individuel ou la prise en compte par les patient eux même de leur santé, de leur autonomie partielle par rapport à celle ci que nous avions appréhendé dans le travail de thèse du Dr Domitille Petit fin 2019 est sans doute une voie qu’il faudra explorer demain (schéma1)(7).

De toute crise il est primordial de faire le Retex et de trouver pour demain des solutions pour s’améliorer dans ce que nous avons des fois improvisé dans l’urgence.

Bibliographie

 

(1) DICOM_Jocelyne.M, DICOM_Jocelyne.M. Les formations aux gestes de premiers

secours [Internet]. Ministère des Solidarités et de la Santé. 2019 [cité 20 mai 2019].

Disponible sur: https://solidarites-sante.gouv.fr/prevention-en-sante/preserver-sasante/

article/les-formations-aux-gestes-de-premiers-secours

(2) . Sensibilisation aux gestes qui sauvent et formation aux premiers secours - Dans le

second degré, au collège et au lycée - Éduscol [Internet]. [cité 20 mai 2019]. Disponible

sur: http://eduscol.education.fr/cid47504/formation-aux-premiers-secours.html

(2) https://www.nouvelobs.com/high-tech/20200401.OBS26913/les-objets-connectes-au-service-de-la-bataille-contre-le-covid-19.html#modal-msg

(3)Covid-19: a remote assessment in primary care BMJ 2020; 368 doi: https://doi.org/10.1136/bmj.m1182 (Published 25 March 2020) Cite this as: BMJ 2020;368:m1182

(4) https://www.aphp.fr/contenu/covidom-une-solution-de-telesuivi-domicile-pour-les-patients-porteurs-ou-suspectes-covid-19

(5)https://www.nouvelobs.com/high-tech/20200401.OBS26913/les-objets-connectes-au-service-de-la-bataille-contre-le-covid-19.html#modal-msg

(6) http://www.leparisien.fr/societe/coronavirus-le-nombre-d-admissions-aux-urgences-a-fondu-24-03-2020-8287044.php

(7)https://www.santepubliquefrance.fr/surveillance-syndromique-sursaud-R/documents/bulletin-national/2020/bulletin-national-d-information-sos-medecins-du-13-avril-2020

(8)https://www.medxtreme.fr/recherche-publications-medxtreme

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